Docteur Françoise FERICELLI
Médecin pédopsychiatre
"J'étais dans le ventre de maman, bien serré(e), au chaud, caressé(e) par le liquide amniotique. A la fin, j'avais du mal à bouger tellement j'étais serré(e). Il y avait les bruits du corps de maman, son coeur qui battait plus lentement que le mien, sa voix tout près.
Et me voilà ici, dehors. Je crie: je ne comprends rien à ce qui se passe... Il y a plein de lumières, des gros bruits, des odeurs que je ne connais pas, de l'air partout qu'il faut apprendre à respirer.
J'ai de la chance, on a pu me poser presque tout de suite sur le ventre de maman: je la regarde, elle me regarde, elle me parle et elle pleure. Je sens qu'elle est tellement émue de me voir. Je reste contre elle, ça sent bon.
J'ai faim, je pleure, elle me donne du lait. J'ai mal, je pleure, elle me prend dans ses bras et elle me berce. J'ai peur, je pleure, et la voilà encore. Elle me porte, elle me calme, elle me nourrit, elle me parle: sans elle, je n'existe pas.
Il y a aussi la voix de papa, elle est plus forte, plus grave. Il me parle aussi, il me dit d'autres choses. Il me porte, c'est différent et c'est bien aussi. Et il y a tous ceux qui se penchent sur mon berceau, qui racontent des histoires, qui disent à qui je ressemble. Ils sourient, ils ont l'air content.
Je crois que je vais m'habituer à être là. Il va falloir un peu de temps pour qu'on apprenne à se connaître et à se comprendre...Enfin... Il va surtout falloir que papa et maman me comprennent parce que moi, je suis tout(e) petit(e) et je ne sais pas encore beaucoup de choses..."

"J'ai grandi: je marche et je cours, je parle, j'ai des copains(ines) et je vais même à l'école. Il y a plein de choses intéressantes à découvrir et à comprendre. J'aime beaucoup jouer, je peux jouer des heures, tout(e) seul(e) avec mes jouets ou bien avec des copains (ines).
On me demande aussi beaucoup de choses: bien me comporter avec les autres, travailler bien en classe, tout le temps faire ci ou faire ça. On me gronde et parfois même on me punit. Souvent, j'ai du mal à expliquer les choses avec des mots, je préfère dessiner ou imaginer des histoires.
Parfois, j'ai des peurs: peur du noir, des monstres qui me poursuivent. Il ne faut pas le dire, mais je dors toujours avec ma veilleuse le soir. D'autres fois, je me dispute avec mes frères et soeurs, j'ai l'impression qu'on m'aime moins et ça m'énerve. Parfois aussi il y a des histoires avec les copains et copines et ça me fait de la peine.
Heureusement, mes parents sont encore là quand ça ne va pas, pour me rassurer et m'encourager. Ils m'expliquent aussi des choses que je ne sais pas encore sur la vie."

"Je ne suis plus un(e) enfant et je ne suis pas un(e) adulte. En fait, je ne sais pas très bien ce que je suis... J'ai des boutons, c'est moche, je ressemble à rien.
Mes parents... Ah, mes parents! Ils ne comprennent rien, ils me scrutent, ils disent: "c'est l'adolescence!". Qu'est-ce qu'ils m'énervent! Ils me saoûlent avec leurs conseils de vieux, ils n'ont pas compris que je ne suis pas comme eux et que je ne veux surtout pas être comme eux.
Les copains(ines), des fois c'est bien, ils(elles) comprennent mieux. On peut faire des trucs marrants ensemble. Des fois il y a quand-même des embrouilles et c'est moins drôle.
Les profs? On dirait qu'ils n'ont jamais eu 15 ans! Ils ne se rendent même pas compte que ce qu'ils racontent n'a aucun intérêt et qu'ils nous stressent avec les évaluations.
C'était sympa quand j'étais petit(e), parfois je regrette un peu. Il y avait moins de problèmes, moins de questions. L'avenir? ça me stresse un peu, même beaucoup parfois... Heureusement il y a les jeux vidéos et les réseaux pour oublier un peu."
